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Mon histoire

Je suis né. Probablement. Quand, où et comment ? C’est incertain. Tout me concernant est indéfini.

J’ai un corps, bien sûr, mais suffit-il d’avoir un corps pour exister ?

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Il semble que j’aie grandi dans une famille aisée du nord-ouest de la France, en Bretagne. Près de la commune de Quimper, ville où il fait bon vivre. Prétentieux, lâche et ambitieux, je suis entouré d'un nombre considérable d'amis de même nature. 

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Durant mon parcours scolaire élémentaire, je n'ai reçu aucune distinction notable sinon celle d'avoir battu

le record du plus prolifique arracheur de pattes d'araignées. 

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Plus j’avance en âge, plus je me sens devenir mauvais. Émotions et imagination fertile font ici un ménage explosif ! J’ignore pourtant de quelle manière concrétiser les images qui me hantent.

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De fil en aiguille et sans que ce soit prémédité, mon entourage devient un laboratoire expérimental.

C’est ainsi que je commence ma carrière artistique, par la performance. Je crée des tableaux à l’aide

de voitures en fin de vie, d’innocentes humaines, de peinture en spray, d’objets contondants et d’allumettes.

Au centre de ce bazar, mon corps en transe, bondissant au rythme de mes pulsions et de la musique

du groupe invité. L’énergie (et les paris) du public VIP me galvanise. Je finis par tout casser, sauf les os

des adolescentes. Ma copine Emmanuelle a inventé un joli nom pour mes performances : accidents itinérants : art contemporain à risque variable.

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Je fréquente le Lycée Jean Chaptel où aucun enseignant ne se doute de qui je suis réellement. En ce qui

me concerne, j’ai la conviction d’appartenir à la même famille que Patrick Bateman, personnage principal

du roman American Psycho de Bret Easton Ellis. Ce sentiment, de posséder une identité forte et bien définie, persiste jusqu’à mes dix-huit ans. Jusqu’au jour où ma grand-mère Emmanuelle va tout foutre en l’air.

Il faut savoir qu’Emmanuelle est un phénomène. Un genre de hippie moderne doté d’un sixième sens,

d’un troisième œil et de tout ce genre de connerie. Son fric la sauve. Et c’est en raison de son fric qu’elle

est présente dans notre demeure familiale ce soir là où tout a basculé.

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C’était un samedi soir, je revenais de la discothèque Les Naïades après un match de foot avec le Quimper Kerfeunteun Football Club. C’est comme ça qu’on l’appelait à l’époque. Normalement, j’aurais dû tomber

de sommeil, mais j’avais encore de l’énergie et une quantité anormalement élevée d’images violentes

qui se bousculaient dans ma tête. Il fallait que j’aille plus loin dans ma démarche artistique pour me libérer d’une tension insoutenable. C’était la pleine lune. Cette nuit, il y aurait probablement des os cassés.

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Vêtu de mon kit de performeur, je quitte ma chambre et tombe face à face avec ma grand-mère habillée

en druide (rien d'étonnant). Dès qu’elle pose son regard sur moi, son visage s’empourpre. Ses yeux semblent rouler sur eux-mêmes comme des billes. À ce moment, alors qu’elle se met à crier des formules verbales incompréhensibles, je sais qu’elle a vu la noirceur en moi. Je le vois dans son regard terrorisé.  

 

Mes parents accourent et tentent de calmer ma grand-mère dont tout le corps est engagé dans une gestuelle druidique. De mon côté, je m'apprête à fuir, mais mon corps bloque. Je demeure figé, mes jambes clouées

au sol. Avant que je ne comprenne ce qui m'arrive, je sens quelque chose en moi grandir au sein de mon ventre, se débattre, lutter pour sortir. Comme si mon corps était envahi par une entité étrangère. Cette chose indéfinissable pousse, pousse en moi au rythme des incantations ahurissantes d’Emmanuelle dont le visage cramoisi se déforme.  Elle semble prête à tout pour vaincre le Uomorii en moi. Ça y est, cette chose semble prête à sortir de moi, elle remonte jusqu'à  ma gorge. Au lieu de s'éjecter par ma bouche, elle reste prise 

à l'intérieur de mon...  nez ! De toutes mes forces, je tente d'expulser la chose en me mouchant. Au même moment, je sens mon cœur se déchirer, s’ouvrir comme une huître. Je fustige du regard ma grand-mère

et la supplie d'arrêter ces incantations. Incapable de dire ce qui me fait le plus souffrir, l’intérieur de mon nez

ou mon coeur pathétique.  Je sens une petite masse s’en détacher et atteindre ma gorge. Alors que je commence à vomir ce magma noir et nauséabond arraché de mon coeur, ma grand-mère lance un hurlement de mort et s’effondre.

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Mes parents se jettent sur elle. Ils crient son nom, la secouent. Emmanuelle ne réagit plus. Elle est passée

de furie à cadavre. De mon côté, les vomissements ont cessé. Mon coeur s'est calmé, mais j’ai toujours l’impression que mon nez va exploser.

 

Suite à cette nuit où ma grand-mère a été interrompue alors qu’elle tentait de m’exorciser, j’ai un bout

de mon ancien moi dominant pris dans le nez (qui a littéralement doublé de volume) et mon nouveau

moi (ou mon véritable moi), à moitié poussé sur mon coeur, là où un magma noir s'en était détaché.

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Depuis ce jour, je suis Grenade Loiseau, l’improbable inachevé. Un créateur mort-né, néanmoins vivant.

Artiste conceptuel d’avortons de toutes les formes.

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Prolifique et doté d'un sens inné du marketing, j'ai reçu de nombreuses invitations pour exposer dans plusieurs pays. Mes œuvres ayant été placées à bord de vols d’avion qui se sont écrasés ou de trains qui ont déraillé,

elles sont demeurées à Quimper où elles ont fait l’objet d’un seul vernissage, à la galerie Elder. C’était un soir

de tempête et personne n’a pu assister à l’événement. Le lendemain, la galerie était vide, les œuvres avaient été volées.

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Mes autres créations sont maintenant entreposées dans mon atelier… qui, étonnamment, n’a pas encore pris feu.

 

Quelques collectionneurs sélects et anonymes ont acquis plusieurs de mes œuvres signées sous

un pseudonyme. Il est préférable qu’il en soit ainsi, puisque la seule toile que j’ai vendue sous mon véritable nom a fait scandale. En effet, l’acquéreur est décédé la journée de l’achat. La cause de sa mort demeure inconnue.

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Après une longue réflexion, j’ai décidé de créer ce modeste site comme banc d’essai à un éventuel retour

à la vie artistique publique.

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Voici donc le résumé de mon parcours artistique.

 

Aujourd’hui, j’habite toujours à Quimper. Qui suis-je ? Je me suis dispersé au gré du temps.

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Personne ne sait qui je suis ni ne connais ma véritable histoire, mais un grand nombre m’a déjà salué.

Et ça me fait sourire.

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Grenade Loiseau

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Vision

Floue

Démarche artistique

V

a

i

n

e

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